
L’ensemble des correspondances échangées entre un avocat et son client, et notamment les consultations juridiques rédigées par l’avocat à son intention, sont couvertes par le secret professionnel:
Aux termes du premier alinéa de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : « En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères à l’exception pour ces dernières de celles portant la mention « officielle », les notes d’entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel ».
Toutefois, la confidentialité des correspondances entre l’avocat et son client ne s’impose qu’au premier et non au second qui, n’étant pas tenu au secret professionnel, peut décider de lever ce secret, sans y être contraint.
Ainsi, la circonstance que l’administration ait pris connaissance du contenu d’une correspondance échangée entre un contribuable et son avocat est sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition suivie à l’égard de ce contribuable dès lors que celui-ci a préalablement donné son accord en ce sens. En revanche, la révélation du contenu d’une correspondance échangée entre un contribuable et son avocat vicie la procédure d’imposition menée à l’égard du contribuable et entraîne la décharge de l’imposition lorsque, à défaut de l’accord préalable de ce dernier, le contenu de cette correspondance fonde tout ou partie de la rectification.
Voir en ce sens : CE 3e-8e ch. 12-12-2018 n° 414088, Cour Administrative d’appel de Versailles, 1ère chambre, 27 juin 2023, 21VE00337.
Très récemment le Tribunal Administratif de Paris (TA Paris 17/09/2024, N°2111551) a encore jugé:
» Il ressort des dispositions précitées de l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 que l’ensemble des correspondances échangées entre un avocat et son client, et notamment les consultations juridiques rédigées par l’avocat à son intention, sont couvertes par le secret professionnel. Toutefois, la confidentialité des correspondances entre l’avocat et son client ne s’impose qu’au premier et non au second qui, n’étant pas tenu au secret professionnel, peut décider de lever ce secret, sans y être contraint. Ainsi, la circonstance que l’administration ait pris connaissance du contenu d’une correspondance échangée entre un contribuable et son avocat est sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition suivie à l’égard de ce contribuable dès lors que celui-ci a préalablement donné son accord en ce sens. En revanche, la révélation du contenu d’une correspondance échangée entre un contribuable et son avocat vicie la procédure d’imposition menée à l’égard du contribuable et entraîne la décharge de l’imposition lorsque, à défaut de l’accord préalable de ce dernier, le contenu de cette correspondance fonde tout ou partie de la rectification. »
Il est fondamental, notamment et non exclusivement, dans les dossiers issus d’une perquisition fiscale (Art. L16 B du LPF) d’examiner de manière approfondie les pièces sur lesquelles l’administration se fonde pour motiver ses rehaussements…il y a parfois de « bonnes » surprises contentieuses …
Il est tout autant fondamental que le secret professionnel de l’avocat soit constamment protégé, préservant les droits de la défense.
Update:
Selon la CJUE 26-9-2024 aff. 432/23, une consultation juridique d’avocat bénéficie, quel que soit le domaine du droit sur lequel elle porte, de la protection renforcée garantie par l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne aux communications entre un avocat et son client.
« Ainsi que l’a déjà relevé la Cour, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH protège la confidentialité de toute correspondance entre individus et accorde une protection renforcée aux échanges entre les avocats et leurs clients. À l’instar de cette disposition, dont la protection recouvre non seulement l’activité de défense, mais également la consultation juridique, l’article 7 de la Charte garantit nécessairement le secret de cette consultation juridique, et ce tant à l’égard de son contenu que de son existence. En effet, les personnes qui consultent un avocat peuvent raisonnablement s’attendre à ce que leurs communications demeurent privées et confidentielles. Partant, hormis des situations exceptionnelles, ces personnes doivent pouvoir légitimement avoir confiance dans le fait que leur avocat ne divulguera à personne, sans leur accord, qu’elles le consultent (arrêt Orde van Vlaamse Balies e.a., point 27 ainsi que jurisprudence citée).
La protection spécifique que l’article 7 de la Charte et l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH accordent au secret professionnel des avocats, qui se traduit avant tout par des obligations à leur charge, se justifie par le fait que les avocats se voient confier une mission fondamentale dans une société démocratique, à savoir la défense des justiciables. Cette mission fondamentale comporte, d’une part, l’exigence, dont l’importance est reconnue dans tous les États membres, que tout justiciable doit avoir la possibilité de s’adresser en toute liberté à son avocat, dont la profession même englobe, par essence, la tâche de donner, de façon indépendante, des avis juridiques à tous ceux qui en ont besoin et, d’autre part, celle, corrélative, de loyauté de l’avocat envers son client (arrêt Orde van Vlaamse Balies e.a., point 28 ainsi que jurisprudence citée). »
Cette récente décision s’oppose à celle prise par la Cour de Cassation le 24 septembre 2024: la Cour de Cassation devra revoir sa copie et protéger le secret professionnel de l’avocat, quel que soit le domaine concerné et quelle que soit la matière concernée, à l’instar du Conseil d’Etat.
Convention du Conseil de l’Europe pour la protection de la profession d’avocat
La Convention est ouverte à la signature à compter du 16 juin 2025…
Article 6 – Droits professionnels des avocats
3 Les Parties veillent à ce que les avocats:
a puissent dispenser à leurs clients ou clients potentiels des conseils juridiques en privé lorsqu’ils les rencontrent en personne;
b puissent communiquer de manière confidentielle avec leurs clients ou clients potentiels, quels que soient les moyens et quelle que soit la forme que prend cette communication;
c ne soient pas tenus de communiquer des informations ou de remettre des pièces reçues, directement ou indirectement, de clients ou de clients potentiels, ni de révéler la teneur de leurs échanges avec ces derniers ou de remettre les pièces élaborées en vue de ces échanges ou de procédures judiciaires dans lesquelles ils les représentent, et ne soient pas non plus tenus d’en révéler l’existence ou le contenu s’ils sont appelés à témoigner.
4 L’exercice des droits prévus aux paragraphes 1, 2 et 3 du présent article n’admet aucune restriction autre que celles prévues par la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique. Ces restrictions peuvent inclure, sans s’y limiter, des exigences visant à garantir la disponibilité de conseils, d’une assistance et d’une représentation juridiques pour tous.
Le paragraphe 3, alinéa c, vise à préserver la confidentialité des informations ou des pièces reçues de clients ou de clients potentiels, des échanges tenus avec ces derniers et de toute pièce établie en relation avec ces échanges ou la conduite d’une procédure judiciaire en leur nom. Il dispose ainsi que les avocats ne peuvent pas être soumis à une obligation générale de communiquer des informations ou de remettre des pièces dans le cadre d’une perquisition, ni de révéler la teneur de leurs échanges, y compris lorsqu’il s’agit d’informations ou de pièces obtenues dans le cadre des entretiens ou des communications visés au paragraphe 3, alinéas a et b. Les dispositions de l’article 9, paragraphe 1, alinéa c, relatives aux perquisitions et aux saisies contribueront de manière importante à préserver cette confidentialité. En outre, il ne peut pas être exigé des avocats qu’ils révèlent l’identité de leurs clients ou clients potentiels. Toutefois, cette disposition n’a pas pour but d’exonérer les avocats de toute obligation de remettre aux autorités les éléments matériels utilisés pour commettre une infraction. Toute restriction de cette garantie doit avoir un caractère exceptionnel étant donné l’importance primordiale de la confidentialité dans la relation entre l’avocat et son client. Certains aspects de ce droit peuvent être garantis par les principes de secret professionnel et de privilège de la profession d’avocat figurant dans le droit de certaines Parties, mais il ne saurait se limiter à cela. Néanmoins, ce droit peut faire l’objet de certaines ingérences conformément à l’article 6,paragraphe 4, notamment lorsqu’il existe des raisons fondées de soupçonner que ou les avocats concernés ont participé à la commission des infractions dont leurs clients ou clients potentiels sont soupçonnés ou qu’ils ont aidé à commettre ou à dissimuler ces infractions10. De même, des mesures telles que celles prises contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme peuvent entraîner pour et les avocats des obligations de faire part de leurs soupçons aux autorités compétentes et de leur communiquer des informations sur un client. Ces obligations ne devraient toutefois pas être incompatibles avec la mission de l’avocat, qui est de défendre ou de représenter ce client dans une procédure judiciaire ou en rapport avec une telle procédure, y compris en le conseillant sur la marche à suivre pour intenter ou éviter une procédure judiciaire. En outre, il doit toujours y avoir des garanties suffisantes et adéquates contre l’arbitraire, comme celles prévues à l’article 9, paragraphe 1, alinéa d, et un contrôle juridictionnel effectif de l’ingérence en question. Ce paragraphe n’a pas pour but de restreindre la capacité des clients ou des clients potentiels à consentir à la communication ou à la production de preuves par les avocats concernés.
Le paragraphe 4 traite des bases sur lesquelles des restrictions peuvent être apportées à l’exercice des droits énoncés aux paragraphes 1, 2 et 3, à savoir que ces restrictions doivent toujours être prévues par la loi et être nécessaires dans une société démocratique, selon l’interprétation que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme a donnée de ces notions. Celle-ci exige notamment que le contenu de la loi soit accessible et que les conséquences qui en découlent soient prévisibles. En outre, en dehors de quelques droits absolus, la Cour européenne des droits de l’homme considère qu’il est nécessaire d’établir un juste équilibre entre les droits et libertés garantis et d’autres droits et intérêts concurrents. Pour déterminer si cet équilibre est assuré lorsqu’un droit ou une liberté fait l’objet de restrictions, la Cour examine si le but poursuivi est légitime, si ces restrictions sont justifiées par des motifs pertinents et suffisants et si les moyens mis en œuvre pour atteindre le but poursuivi sont proportionnés. Lors de l’évaluation du respect de ces deux conditions, il faut tenir compte du fait qu’il existe une marge d’appréciation. La Cour peut aussi considérer que ces deux conditions sont conjointement constitutives d’un besoin social impérieux. Lorsqu’elles sont toutes deux remplies, on peut conclure que la restriction en question est nécessaire dans une société démocratique. Toutefois, étant donné l’importance de préserver la confidentialité de la relation entre l’avocat et son client, toute restriction à cet égard nécessiterait des preuves claires des circonstances qui la justifient et ces restrictions devraient rester exceptionnelles.