“Les dividendes excédant le seuil de 10% du capital social sont réintégrés dans l’assiette des cotisations sociales pour les gérant majoritaires de SARL.
Cette disposition avait été adoptée pour éviter les phénomènes d’optimisation consistant pour certains indépendants à déclarer des revenus professionnels très faibles et à se rémunérer essentiellement sous forme de dividendes, assujettis aux seuls prélèvements sociaux sur les revenus du capital.
Les dirigeants de SAS et de SASU et les gérants minoritaires de SARL ne sont en revanche pas concernés par ce dispositif « anti-abus », et peuvent plus aisément pratiquer une forme d’optimisation, en arbitrant entre rémunération professionnelle et dividendes
Il peut ainsi résulter de ce traitement différent une forme de concurrence déloyale entre indépendants, entre ceux qui sont en mesure de pratiquer cette forme d’optimisation, et ceux pour qui cette pratique est encadrée. Il en découle une incitation pour les indépendants à s’orienter vers les formes de société non concernées par la règle anti-abus évoquée plus haut, soit en créant des SASU, soit en attribuant au conjoint (et/ou aux ascendants ou descendants) la majorité des parts de la SARL afin de devenir juridiquement gérant minoritaire et de pouvoir contourner cette règle.
La distorsion en matière de prélèvements qui en découle ne semble pas justifiée puisqu’elle résulte uniquement du choix de la structure juridique et du régime de rattachement (sécurité sociale des indépendants ou régime général). On pourrait d’ailleurs s’interroger à terme sur la pertinence de la coexistence de traitements différenciés pour ces deux formes de sociétés (SARL et SAS/SASU), alors même que ces indépendants (hors exploitants agricoles et professions libérales réglementées) sont désormais tous rattachés au régime général, d’une manière ou d’une autre.
Une extension de la « clause anti-abus » mise en place en 2013 pour les seuls dirigeants majoritaires affiliés à la sécurité sociale des indépendants à l’ensemble des dirigeants en situation de contrôle effectif de la société devrait à ce titre être envisagée. Les travaux du HCFiPS s’inscrivent ainsi dans la continuité de ceux de l’IGAS-IGF de 2016 et du premier rapport du HCFiPS sur les travailleurs indépendants en 2016
Il conviendrait dans un premier temps d’identifier le nouveau périmètre d’application de cette mesure, puisqu’il ne s’agit pas d’inclure l’ensemble des dirigeants assimilés salariés, qui ne sont pas tous en situation de contrôle effectif de la société dans laquelle ils exercent une activité de direction, et à ce titre ne sont pas tous en mesure d’arbitrer directement entre revenus du travail et dividendes (notamment s’agissant des présidents et directeurs généraux des SA). Un critère de détention des parts de la société, en tenant compte des parts du dirigeant lui-même, mais également des conjoints, ascendants ou descendants, devrait être fixé.
Il pourrait également être envisagé de réintégrer dans l’assiette des cotisations sociales l’ensemble des revenus (revenus du travail comme dividendes) versés aux membres de la famille du dirigeant, pour éviter le recours à une optimisation comme le versement de dividendes aux membres de la famille.
Deux pistes pourraient ensuite être envisagées pour corriger les biais évoqués, une troisième semblant en revanche devoir être écartée.
– L’extension à tous les dirigeants de sociétés en situation de contrôle effectif du dispositif mis en place depuis 2013 permettrait de s’inscrire dans la continuité des évolutions récemment apportées, et permet de tenir compte, pour apprécier la part des dividendes devant être réintégrée dans l’assiette sociale, de la valeur réelle de la société et d’un rendement « normal » du capital investi.
– La fixation en valeur absolue d’un seuil en deçà duquel l’ensemble de la rémunération du dirigeant serait qualifiée de revenu du travail semble en revanche devoir être écartée. Outre qu’elle ne permettrait plus au dirigeant de se rémunérer sous forme de dividendes tant que ce seuil n’a pas été atteint, ce qui peut soulever des difficultés juridiques liées à la liberté d’entreprise, et des problèmes pratiques pour certaines jeunes entreprises qui peuvent avoir besoin d’une certaine souplesse en matière de rémunération du dirigeant, elle risquerait d’envoyer un signal néfaste aux entrepreneurs, qui pourraient se contenter de déclarer en revenus du travail uniquement le montant nécessaire pour atteindre le seuil et de privilégier le versement de dividendes dès ce seuil atteint. Il en découlerait une attrition de l’assiette sociale, avec un risque de financement pour les régimes sociaux d’une part, et des droits plus faibles pour les assurés d’autre part.
Le rapport IGAS-IGF de 2016 fournit un certain nombre de précisions quant aux modalités concrètes d’application de ce type de règles, et privilégie l’option 1 consistant à étendre à l’ensemble des dirigeants assimilés salariés les règles actuellement en vigueur pour les gérants majoritaires de SARL.”