
L’article 169 du LPF prévoit notamment :
« Pour l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l’administration des impôts s’exerce jusqu’à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due.
Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte ou lorsqu’il est bénéficiaire de revenus distribués par une personne morale exerçant une activité occulte. L’activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable ou la personne morale mentionnée à la première phrase du présent alinéa n’a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu’il était tenu de souscrire et soit n’a pas fait connaître son activité à l’organisme mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 123-33 du code de commerce, soit s’est livré à une activité illicite.
Par exception au premier alinéa du présent article, le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due lorsqu’une personne physique se prévaut d’une fausse domiciliation fiscale à l’étranger.
Le droit de reprise mentionné aux deuxième et troisième alinéas du présent article ne s’applique qu’aux seules catégories de revenus que le contribuable n’a pas fait figurer dans une quelconque des déclarations qu’il a déposées dans le délai légal. Il ne s’applique pas lorsque des revenus ou plus-values ont été déclarés dans une catégorie autre que celle dans laquelle ils doivent être imposés. »
L’article L 181-O A du LPF complète :
Par exception au premier alinéa de l’article L. 180 et à l’article L. 181, le droit de reprise de l’administration relatif aux impôts et droits qui y sont mentionnés peut s’exercer jusqu’à l’expiration de la dixième année suivant celle du fait générateur de ces impôts ou droits quand ils sont assis sur des biens ou droits mentionnés aux articles 1649 A, 1649 AA et 1649 AB du code général des impôts ou dans les cas prévus au troisième alinéa de l’article L. 169 du présent code, sauf si l’exigibilité des impôts ou droits relatifs aux biens ou droits correspondants a été suffisamment révélée dans le document enregistré ou présenté à la formalité ou, pour l’impôt sur la fortune immobilière, par la déclaration et les annexes mentionnées à l’article 982 du code général des impôts.
Ainsi:
En cas de fausse domiciliation, l’administration fiscale dispose donc désormais d’un délai de 10 ans afin d’engager son droit de reprise:
– En matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés – pour les seules catégories de revenus non mentionnées,
– En matière d’IFI et de droits d’enregistrement.
A défaut d’indication, ces délais de reprise ne s’appliquent que pour l’avenir, c’est-à-dire aux délais de reprise venant à expiration après le 16 février 2025 (les situations acquises sont préservées).
Question ouverte: Compte-tenu de la complexité des textes et des appréciations doctrinales et jurisprudentielles, sur la base de quels critères l’administration considérera-t-elle qu’une domiciliation est fausse vs qu’une erreur d’interprétation a été commise ?
Par une question écrite du Sénat ( – page 1070):
M. Jean-Luc Ruelle interroge M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la notion de « fausse » domiciliation fiscale à l’étranger.
L’article 61 de la loi du n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025 a modifié le livre des procédures fiscales en instituant un délai de reprise de l’administration en cas de « fausse » domiciliation d’une personne physique à l’étranger de dix ans. Un incertitude plane sur le sens donné à cette fausse domiciliation. Elle peut en effet être comprise comme une déclaration fictive d’un contribuable prétendant abusivement être domicilié à l’étranger, afin de se soustraire en France à tout ou partie de ses obligations fiscales. Il peut également s’agir pour l’administration de remettre en question la qualité de non-résident d’un contribuable au regard des conventions fiscales, ou à défaut du code général des impôts.
Il lui demande donc comment doit être compris ce terme et l’interroge sur l’autorité compétente pour statuer sur cette non conformité de domiciliation.
Réponse de Mme la ministre auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics
publiée dans le JO Sénat du 05/06/2025 – page 3034:
(…)
« Sont concernées les situations dans lesquelles existe une manifestation claire, quelle qu’en soit la forme, de l’intention du contribuable, afin de se soustraire en France à tout ou partie de ses obligations fiscales, de se prévaloir d’une domiciliation fiscale à l’étranger et dont l’administration établit qu’elle est contraire à la réalité au regard des règles de droit, internes ou conventionnelles, applicables. En effet, dans ces situations, le délai de reprise de droit commun de trois ans n’est pas suffisant pour mener à bien les investigations approfondies, longues et complexes nécessaires afin de caractériser la domiciliation effective en France, et établir les impositions qui en résultent. L’extension à dix ans de ce délai de reprise permettra ainsi aux services fiscaux de disposer du temps nécessaire à l’établissement de la domiciliation réelle du contribuable, ainsi que les impositions dues à raison de l’ensemble des revenus et avoirs concernés. En pratique et comme c’est déjà le cas, c’est le service responsable du contrôle du respect des obligations fiscales du contribuable concerné qui a compétence pour établir que la domiciliation fiscale à l’étranger dont celui-ci se prévaut est fausse. »
Plusieurs critères semblent émerger de cette réponse:
– L’administration doit démontrer qu’il existe une intention de se prévaloir d’une domiciliation fiscale à l’étranger;
– Que cette intention se manifeste (objectivisation de la preuve);
– Et que cette manifestation soit claire…
En d’autres termes, l’extension du délai de reprise repose sur des critères on ne peut plus mous, laissant la place belle aux contentieux.
Surtout, aucune indication n’est donnée quant à la date d’appréciation de la manifestation claire d’intention; doit-elle être appréciée de manière continue ? suffit-il d’une seule manifestation claire d’une intention au cours du délai de 10 ans ? Et qu’est-ce qu’une manifestation claire d’intention ? A tout le moins peut-on considérer à ce stade que la preuve devra être objective et ne pourra pas reposer sur l’affirmation péremptoire classique « le contribuable ne pouvait pas ignorer que … », ni sur une connaissance supposée de règles fiscales lesquelles sont particulièrement complexes, comme le confirme indirectement la Ministre.
A suivre donc au stade nécessairement contentieux…